Livre Warré 68
Chapitre 68: La faillite de l’apiculture moderne – extrait du livre : « L’apiculture pour tous » par Abbé Warré
Depuis une cinquantaine d’années, on n’a offert aux apiculteurs que la ruche à cadres. Livre ouvert, dit-on, en tout cas livre qu’on peut ouvrir à volonté. Plus de mystère dans la vie de l’abeille, plus d’obstacles pour l’aider et la diriger dans son travail. Donc, bénéfices plus considérables dans la pratique de l’apiculture.
Et de nombreuses maisons se sont fondées pour fournir ces ruches et leurs multiples accessoires. Et chaque année on offre aux apiculteurs des modèles nouveaux qu’on dit plus productifs, nouveautés créées par d’habiles menuisiers, je le reconnais.
Et il est publié de multiples revues apicoles dont les articles auraient dû permettre au lecteur de distinguer la vérité du mensonge.
Or, j’ai pu constater, en cinquante ans de pratique apicole dans des ruchers importants et d’observations dans mes nombreuses relations, qu’aucune exploitation apicole moderne n’a pu persévérer, que les maladies se développent de plus en plus dans les ruchers, que le miel se vend difficilement (en temps normal bien entendu).
Aucune exploitation apicole moderne n’a pu persévérer
Je connais des ruchers nombreux encore et d’importance diverse où de vieilles ruches vulgaires de formes différentes sont exploitées depuis plusieurs générations. Je sais les bénéfices de quelques-uns de ces ruchers. Or, ces bénéfices dépassent de beaucoup ceux des meilleures industries.
Au contraire, je puis affirmer qu’aucune exploitation apicole moderne n’a pu persévérer. Leur propriétaire a dû abandonner cette exploitation parce qu’elle ne le nourrissait pas. Ou bien il a greffé sur cette exploitation un commerce quelconque : confiserie, hydromel, encaustique, cirage, articles apicoles, etc. Dans ce cas, le rucher devient une réclame…
Seuls ceux qui disposent d’heures libres et ont leur pain assuré par ailleurs peuvent exploiter les ruches modernes, tels les instituteurs, les curés, beaucoup de fonctionnaires. C’est à ce point que des apiculteurs égoïstes ont pensé à faire interdire la pratique de l’apiculture à tous les fonctionnaires.
Les maladies se développent de plus en plus dans les ruchers modernes
Je veux bien que la ruche soit un Livre, mais j’affirme qu’il doit être presque toujours fermé. L’abeille aime la solitude. L’ouverture de la ruche contrarie donc l’abeille ; elle l’oblige aussi à un surmenage continuel pour réchauffer la chambre à couvain. Les méthodes modernes, par d’autres procédés dont je parle dans mon manuel, obligent encore l’abeille à un surmenage nuisible. Or, le surmenage conduit à l’affaiblissement et l’affaiblissement rend plus apte à contracter toutes les maladies, chez les abeilles comme chez les hommes.
L’élevage des reines, dit artificiel, est aussi une cause de déchéance. Nous en parlons aussi dans notre manuel.
Aussi les maladies se développent-elles de plus en plus dans les ruchers modernes : la loque surtout, la terrible loque.
En vain demande-t-on des visites aux éminents vétérinaires, des remèdes aux savants chimistes, des déclarations et des sacrifices aux apiculteurs. C’est la cause qu’il faut supprimer. Cessons de contrarier les instincts de l’abeille. Cessons de méconnaître ses besoins, cherchons des abeilles saines dans les ruches vulgaires, et surtout ne les nourrissons pas avec du sucre.
L’écrivain Caillas condamne la Ruche Populaire parce qu’elle interdit d’une manière presque absolue la mise en œuvre des méthodes modernes qui sont l’avenir de notre apiculture.
Or, j’affirme sans hésiter que les méthodes modernes conduisent notre apiculture à sa perte et que, seules, la ruche commune et la Ruche Populaire la sauveront.
Le miel se vend très difficilement
Le miel est le seul sucre hygiénique ; c’est entendu. Mais le sucre de betterave est d’un emploi si facile qu’il a la préférence des ménagères ignorantes ou paresseuses ; il est si bon marché qu’il a aussi la préférence de tous les pauvres, anciens et nouveaux.
Que faire ? Produire du miel à bon marché pour pouvoir le vendre au prix du sucre de betterave avec un bénéfice raisonnable. Dans ces conditions, le miel retrouverait la clientèle de tous les sages de l’humanité.
Peut-on arriver à ce résultat ? Oui, je l’affirme. Mais à la condition de faire de l’apiculture avec des ruches moins coûteuses et selon une méthode plus économe du temps de l’apiculteur et plus respectueuse des besoins de l’abeille.