Livre Warré - Les ouvrières
Chapitre 7: Les ouvrières – extrait du livre : L’apiculture pour tous » par Abbé Warré
Fonctions des ouvrières
Il n’y a pas lieu de distinguer les ouvrières selon leurs fonctions : nourricières, pourvoyeuses, cirières, etc. Les ouvrières sont toutes destinées indistinctement à tous les travaux utiles à la colonie, suivant les saisons, les heures, les circonstances. Seules les jeunes ouvrières s’occupent exclusivement des travaux d’intérieur, tant que leur corps n’est pas assez développé pour affronter les intempéries.
Heures de sorties
On a dit que les ouvrières sortent toute la journée au printemps, le matin seulement en été, jamais par la pluie et le froid.
Il est plus exact de dire que les ouvrières sortent quand la chose leur est possible, aussi souvent qu’elles ont quelque chance de trouver miel, pollen ou propolis.
Or la pluie alourdit tellement l’ouvrière qu’elle l’empêche de voler et au-dessous de 8 degrés, l’abeille est engourdie.
En été, l’ouvrière recherche surtout le miel. Or le soleil de midi sèche les fleurs.
Au printemps, c’est surtout le pollen que recherche l’ouvrière. Or ni la chaleur, ni le froid n’en arrêtent complètement la production.
Quelques chiffres
L’abeille pèse environ un dixième de gramme. Elle peut rapporter la moitié de son, poids, soit 0,05 g ; mais souvent elle ne rapporte que 0,02 g par voyage. Pour un apport de 1 kilogramme de miel, il faut donc que l’abeille fasse 50 000 voyages ou que 50 000 abeilles fassent un voyage. L’abeille peut faire par jour une vingtaine de voyages de 1 km aller et retour pour rapporter 0,40 g de miel. La récolte de 1 kg de miel représente donc plus de 40 000 kilomètres, soit plus que le tour du monde.
Durée de l’existence de l’ouvrière
Les ouvrières peuvent vivre au maximum un an quand se succèdent pour elles l’orphelinage et la mauvaise saison, c’est-à-dire des périodes où l’ouvrière a peu d’activité.
Pendant la bonne saison et dans les colonies normales, en raison de leur activité incessante, les ouvrières vivent deux à trois mois au maximum, souvent trois à quatre semaines seulement.
Mœurs des ouvrières
Chez les abeilles d’une même colonie on constate l’union et l’entente à un degré de perfection qui n’existe nulle part ailleurs. Car toutes les abeilles n’ont qu’un seul et même but, qu’une seule et même ambition : la prospérité de la colonie.
Pour le même motif, les ouvrières se défient des abeilles voisines. Elles les examinent et, sauf certains cas particuliers, quand elles ont reconnu qu’elles sont étrangères, elles les chassent et souvent les mettent à mort d’un coup d’aiguillon, sans se douter que cet acte de violence causera leur propre mort.
Polymorphisme des abeilles
La différenciation qui existe entre une ouvrière ou une reine vient-elle seulement de la forme de l’alvéole où se développe la larve et de son alimentation ? Qui oserait l’affirmer ?
S’il n’y avait ici qu’une question de développement plus ou moins complet, on pourrait admettre l’influence prépondérante de l’alimentation et du milieu. Mais il y a entre reine et ouvrière des divergences qui ne sauraient être attribuées au régime et au berceau. L’ouvrière possède certains organes tels que les corbeilles à pollen et les glandes cirières qui font défaut chez la reine, et cette dernière offre elle-même des particularités qu’on ne trouve pas chez l’abeille neutre. Or, cette dissemblance dans l’organisme ne peut être mise sur le compte du régime. Elle ne peut provenir que des nourrices, qui d’instinct savent quel traitement elles doivent faire subir à la larve d’où sortira une ouvrière pour qu’elle soit douée des organes nécessaires aux fonctions qu’elle aura à remplir ; elles savent également quel façonnement donner à une larve destinée à produire une reine pour retrancher chez elle ou atrophier des organes dont elle n’a pas besoin et développer au contraire ceux qu’exigeront ses fonctions maternelles.
C’est là une faculté prestigieuse qu’il nous faut admettre chez les éleveuses de la ruche, si nous voulons expliquer le polymorphisme des abeilles.