Le livre de l'abbé Warré

Chapitre 56: Valeur du miel – extrait du livre : « L’apiculture pour tous » par Abbé Warré

Miel, saccharine et sucre
Tous les sucres peuvent être rangés en trois catégories : Saccharine – La saccharine est un dérivé du goudron de la houille. C’est un produit absolument et exclusivement chimique. Il a un pouvoir sucrant 300 fois plus fort que celui du sucre vulgaire. Cependant, la saccharine n’a aucune valeur alimentaire. On la retrouve tout entière dans les urines.

Sucre
 Le sucre industriel, saccharose ou sucre de canne, est extrait artificiellement de la canne à sucre, de la betterave et même d’autres plantes. Malgré cette origine végétale, la saccharose n’est pas tout de suite assimilable. Pour devenir assimilable, la saccharose doit être transformée en glucose. Cette opération s’appelle inversion. Elle se pratique naturellement dans notre organisme sous les influences combinées de la salive dans la bouche, des sucs digestifs dans l’estomac, du suc pancréatique dans l’intestin. Si les voies digestives sont en mauvais état, ce travail se fait difficilement ; en tout cas, il fatigue la machine humaine. En dehors du corps humain, pour transformer la saccharose en glucose, on est contraint de faire bouillir la saccharose, un certain temps, avec un acide très dilué. Miel – Les glucoses sont des sucs végétaux naturels : sucre de raisin, sucre de fruits, miels. Ces glucoses sont directement et immédiatement assimilables sans que ni la salive, ni le suc intestinal, ni le suc stomacal aient à intervenir. Ces sucres n’imposent aucun travail spécial : ils entrent directement dans la circulation pour y jouer leur rôle nutritif. C’est ce qui explique que, loin de leur être contraire, il est favorable aux personnes qui souffrent de l’estomac ou qui sont en proie à la diarrhée.
Or, le sucre de raisin et le sucre de fruits n’existent pas en abondance suffisante là où on les trouve. Le miel, au contraire, renferme les sucres glucoses à dose considérable. Le miel fourni par les abeilles renferme en effet de 71 à 77 % de sucre inverti, mélangé, à parties égales à peu près, de sucre de raisin et de sucre de fruit. Le miel est le sucre des sucres, c’est donc une sottise d’abandonner le miel pour courir après tant d’autres produits sucrés, y compris la saccharine. Revenons-en au conseil du vieux Salomon : « Mange le miel, mon fils, parce qu’il est bon. »
L’aliment remède « Pour entretenir la santé, il faut deux choses : se nourrir quand on est bien portant, et se guérir quand on est malade. Or, dans le miel, nous trouvons ces deux choses : la nourriture et le remède. »

Le règne végétal occupe, en effet, une grande place à la cuisine et à la pharmacie. La cuisine pourrait même ne se composer que de végétaux. Nos ancêtres mangeaient peu de viande et vivaient plus longtemps. Dans certains ordres religieux, on ne mange jamais d’autre chair que le poisson. Et de nos jours, une école s’est formée pour restreindre l’usage des aliments tirés du règne animal et pour augmenter l’usage des aliments tirés du règne végétal.
La pharmacie pourrait aussi ne se composer que de végétaux. Un adage ancien dit : Medicina paucarum herbarum scientia (la médecine est la science d’un petit nombre de plantes). La nourriture végétale est donc souverainement hygiénique et la médication par les plantes très efficace. Or, le miel est en quelque sorte un résumé du règne végétal, puisque les abeilles vont le butiner sur une quantité incalculable de fleurs de toutes sortes. Et c’est au moment où la plante se préparant à se reproduire, est dans la plénitude de sa sève et de sa force que l’abeille va, en y portant la fécondité, y puiser son fécond nectar. Le miel est donc un extrait concentré du règne végétal, qui emprunte aux plantes leurs propriétés. C’est une tisane aux mille fleurs.

Le miel est supérieur au sucre
Tandis que l’eau, les éléments azotés, les sels minéraux des aliments satisfont aux besoins de réparation et de construction des tissus du corps, le sucre, lui, est le combustible de la machine humaine, la principale source de chaleur, d’énergie et de force musculaire. Or, c’est seulement sous la forme spéciale glucose que le sucre peut être absorbé par nos organes. Ce n’est donc pas le sucre extrait chimiquement de la betterave que nous devons absorber comme aliment producteur de force. Ce sucre artificiel est un condiment précieux, commode, indispensable ; ce n’est point un aliment. Ce sucre n’est après tout que du jus de betterave qui, uni à ses alliés naturels dans la betterave, a une certaine utilité bienfaisante, mais qui est devenu nuisible parce qu’il en a été isolé chimiquement.

Le sucre raffiné ou sucre de betteraves est extrait et purifié à l’aide de la chaux, de l’acide carbonique, du soufre, du sang de bœuf, du noir animal. Le glucose, qui l’accompagne ou le remplace dans les confiseries, les sirops ou les conserves de fruits, est extrait des résidus d’amidonnerie au moyen de l’acide sulfurique. Les deux produits sont mauvais : ce sont des aliments morts, irritants, dévitalisés et déminéralisés.

Le sucre artificiel gâte les dents et émousse l’appétit. Il fatigue et échauffe l’estomac et les intestins en leur donnant un travail anormal pour lequel ils ne sont point constitués, en employant l’invertine qu’ils sécrètent et dont ils ont déjà besoin pour transformer en glucose les amidons et les graisses de nos aliments. Il arrive même souvent que le sucre soit rejeté en partie par le corps sans avoir été utilisé, surtout chez les faibles, les malades, les diabétiques, dont les organes digestifs ne sécrètent guère l’invertine nécessaire à la transformation du sucre en glucose : de là des désordres multiples dans les organes. Le sucre naturel, contenu dans les raisins, les fruits et surtout dans le miel, est le seul qui convienne pour notre alimentation parce que, se trouvant naturellement dans la forme voulue glucose, ce sucre est immédiatement assimilable et pénètre immédiatement dans le sang, sans donner de ce fait aucun travail aux organes digestifs. En un mot, le miel, c’est de la vapeur qu’on met dans la chaudière ; le sucre, c’est de l’eau froide qu’il faut transformer en vapeur.

D’ailleurs, le miel c’est le suc des fleurs, c’est un sucre fabriqué par la nature elle-même, le meilleur chimiste. C’est aussi sous une forme condensée, et prêt pour la consommation et la conservation, que le sucre nous est offert dans le miel récolté par les abeilles dans la corolle embaumée des fleurs. De plus, si le miel est extrait mécaniquement par un apiculteur bien outillé, il n’a aucun contact avec les mains, il conserve une pureté et une propreté absolues, et par conséquent la délicatesse de son arôme et la plénitude de ses propriétés. Le miel est un puissant aliment.

D’après les études récentes, 30 g de miel ont la même valeur nutritive que : 21 g de haricots ; 31,33 g de jaune d’œuf ; 35 g de pain ; 42 g de porc maigre ; 48,20 g de bœuf maigre ; 82,43 g de raie ; 64,43 g de maquereau ; 89,12 g de pomme de terre ; 122,50 g de raisin ; 123,50 g de lait. D’après les mêmes études, une modeste tartine au miel donne 169 calories, soit 78 calories pour 30 g de pain et 91 calories pour 30 g de miel. Or, un homme faisant un travail modéré n’a besoin que de 2 500 calories par jour.

La calorie est une unité de chaleur, c’est la quantité de chaleur nécessaire pour élever la température d’un kilogramme d’eau de un degré centigrade.
Ce n’est pas à dire que le miel doive constituer toute notre alimentation, mais y occuper une bonne place. Car le miel est un aliment très riche, puisqu’il est un sucre, et le plus assimilable, par conséquent le plus nourrissant des sucres.

D’ailleurs le miel constitue une nourriture sous une forme des plus concentrées ; il se transforme presque tout entier en chyle, en sang. La preuve en est que l’abeille se nourrit de miel, pendant de longs mois d’hiver, sans déjections.

Le miel est donc l’aliment le mieux approprié à notre époque de misère physiologique et de déchéance organique. Il convient tout spécialement aux enfants, aux vieillards, aux faibles, aux convalescents, aux chlorotiques en particulier.

Aussi le miel devrait-il remplacer le sucre, partout, à plus forte raison dans les tisanes, dont il augmente d’ailleurs les propriétés, puisqu’il provient des fleurs des plantes qui composent ces tisanes. Le matin, sucrez au miel votre lait ou votre café. Prenez-en comme dessert après chaque repas.
Étendu sur du pain, pur ou mélangé avec du beurre, il formera le meilleur goûter pour les enfants et même pour les grandes personnes.

Voulez-vous un bon chocolat, faites fondre du miel au bain-marie et mélangez-y du cacao en poudre. Le miel est un excellent remède.
Le miel naturel, suc et quintessence des fleurs, pris au moment où la plante est dans toute sa vigueur et la fleur dans toute sa beauté, le miel est le plus universel des remèdes.

Éminemment digestif par lui-même, le miel aide encore à la digestion des autres aliments. Ses principes aromatiques, ses acides stimulent les glandes salivaires et par ailleurs le miel n’utilise pas les sucs gastriques. Cette surabondance de salive, de suc gastrique profite à la digestion des autres aliments et entraîne les déchets accumulés dans l’estomac : c’est pourquoi le miel est digestif et quelque peu laxatif. Le miel convient donc tout spécialement dans le cas de gastralgie, de digestion pénible, de constipation.
Le miel est aussi rafraîchissant : il est recommandé dans le cas d’inflammation de l’estomac et des intestins, dans les maladies des reins et de la vessie.
Dans les insomnies : il calme les nerfs et facilite le sommeil. Beaucoup de diabétiques se sont bien trouvés de son emploi.

Enfin, le miel contient du fer et surtout de l’acide formique, cet acide formique tant recommandé de nos jours par les sommités médicales, pour augmenter l’activité et la force du système musculaire comme pour en retarder la fatigue. Cet acide formique, par ailleurs, rend le miel antiseptique : voilà pourquoi le miel combat les mauvaises fermentations des intestins. Antiseptique, rafraîchissant et calmant, le miel forme un excellent onguent pour guérir les blessures, contusions, ulcères, boutons, inflammations. Pour le même motif, le miel est d’une grande efficacité dans l’enrouement, la toux, le rhume, la grippe, l’influenza, la bronchite, l’angine, le catarrhe, l’asthme, les aphtes des enfants.
On peut donc dire que le miel est vraiment un suc bienfaisant, une panacée universelle, déposée par le Créateur dans le calice des fleurs et recueillie pieusement par les abeilles.

Pour être complet, nous devons dire toutefois que l’emploi fréquent de miel ne saurait convenir ni dans le cas de maladie de foie, en raison de son acide formique et parce qu’il pousse à l’engraissement, ni dans le cas de tendance à la congestion cérébrale, parce que le miel est de digestion stomacale et que, par conséquent, son assimilation est rapide, même brutale.